L’ONF impose de façon unilatérale une régulation des grands animaux, et tout particulièrement des cervidés que sont le cerf élaphe et le chevreuil.
En effet, les plans de chasse concernant les cervidés sur l’ensemble du territoire français sont en constante augmentation. Ils sont dénoncés par certaines fédérations de chasse qui estiment que les quotas imposés constituent une menace pour la survie de l’espèce dans certaines zones. À cet égard, les chasseurs dénoncent eux-mêmes, je cite :
« un projet d’éradication des ongulés ».

L’ONF estime que les cervidés sont coupables, et donc en partie responsables, du déclin et de la mise en danger de nos forêts. En effet, l’établissement public avance que ces animaux dévorent les jeunes pousses d’arbres, ce qui compromettrait la régénération naturelle des bois.
Il est vrai que les cervidés se nourrissent, entre autres, de jeunes pousses. Cependant, leur régime alimentaire est principalement composé d’herbes, à l’instar des bovins ou des ovins.
Alors, que se passe-t-il réellement ?
Les cervidés sont-ils vraiment « l’arme absolue de destruction massive » de nos forêts, comme le prétend l’ONF, ou d’autres facteurs doivent-ils être pris en compte ?
Tentons d’éclairer ce débat avec un peu de bon sens et d’objectivité.
Il me semble que pointer du doigt un seul responsable de la mise en danger de nos forêts est un peu trop facile. Il s’agit d’un raisonnement à la fois simpliste et dangereux.
Ce qui est certain, c’est que les populations de cervidés se sont remarquablement bien développées depuis leur réintroduction après la Seconde Guerre mondiale. Une régulation raisonnable est donc nécessaire aujourd’hui.
Mais de quoi s’agit-il exactement lorsque nous parlons de « régulation » ? Les principales raisons de réguler certaines espèces sont les dégâts importants occasionnés aux cultures, aux productions forestières, et la concurrence pour l’accès à l’herbe dans les pâturages destinés aux animaux d’élevage.
Cela porte un nom : « l’équilibre sylvo-cynégétique ». Il s’agit du point d’équilibre entre la population d’animaux sauvages, qui se nourrissent de diverses plantes (jeunes plants forestiers, herbes, etc.), et la capacité de régénération de la végétation.
Si cet objectif de préservation des intérêts économiques des acteurs concernés est compréhensible, une évolution de nos pratiques culturales pourrait peut-être éviter un abattage excessif de ces animaux.
Pourtant, l’équilibre sylvo-cynégétique reste le seul argument invoqué pour justifier, parfois, une régulation outrancière. Et si nous abordions des sujets comme la monoculture, qui ne laisse aucune place à la diversité végétale consommée par certaines espèces, telles que les cervidés ? Aujourd’hui, nous gérons nos forêts comme de simples champs de maïs, de tournesol ou de blé ! Sous les résineux, la vie peine à éclore : ces millions d’arbres, plantés en rangs si serrés, ne laissent même pas la lumière atteindre le sol.

Il faut également évoquer les ravageurs qui déciment les monocultures industrielles de résineux, à l’image du scolyte, ce petit insecte friand de bois. Sans oublier le réchauffement climatique, les incendies, les coupes illégales, et bien d’autres facteurs !
Nous savons pertinemment que les monocultures constituent une hérésie environnementale. Elles génèrent des déséquilibres qui deviennent ensuite le prétexte à des tueries de masse visant certaines espèces.
Dans ce contexte, quelle place reste-t-il vraiment aux cervidés ? Ces animaux doivent se contenter des ressources disponibles et s’adapter à un environnement sans cesse modifié, défiguré et exploité au maximum par les activités humaines.
Pourtant, face aux difficultés de régénération des forêts, le responsable est tout trouvé : le cervidé ! Il devient, comme le loup en son temps, la bête à abattre – voire à éradiquer.
Décidément, nous ne tirons aucune leçon du passé et fermons les yeux sur des catastrophes écologiques, au nom de seuls intérêts économiques à court terme. Il faut faire pousser des forêts en un temps record pour abattre les arbres au plus vite, laissant place à un désert vert.

N’oublions pas, au passage, les chasses privées gérées par l’Office national des forêts pendant la période de reproduction des cervidés : une autre hérésie ! Qu’importe, il faut bien arrondir les fins de mois en vendant des trophées de cerfs élaphes abattus en pleine période de reproduction !
En conclusion, nous trouvons toujours un prétexte pour justifier des régulations démesurées. Dans le cas des cervidés, il est légitime de s’indigner et d’alerter l’opinion sur cette dérive dramatique : une régulation outrancière dans les forêts françaises, orchestrée par l’ONF.
Il est plus que temps de mettre les pieds dans le plat pour faire cesser un massacre qui, à court terme, réduira au silence la vie de nos forêts.
Texte et photos: Christian Dislair